Le Mouvement du Feeling

Dans l'île et surtout dans la capitale, l' intérêt pour la musique américaine et internationale, pour le Jazz, ne fait que croître au cours de la décennie quaranteet au début de la suivante. Les jeunes musiciens amateurs et amateurs de musique continuent de se rencontrer les uns chez les autres pour écouter des disques, commenter les qualités des interprètes. Ils se reconnaissent autour de l'une de ces qualités qu'ils appellent Feeling

Si quelques-uns des nouveaux trovadores ont réalisé des études musicales et se sont fait remarquer au piano, la plupart n'ont pas plus de connaissances théoriques que les cantantes des générations précédentes.

José Antonio MÉNDEZ, César PORTILLO de la LUZ, Jorge ZAMORA … sont des guitaristes autodidactes.

Leur intérêt bien réel pour la musique Nord-Américaine, le Jazz et diverses facettes de la culture du géant voisin n'ont pas annihilé l'amour traditionnel que porte un trovador à son île natale. Ne serait-ce que pour ces deux raisons, ils se rattachent bien à la Trova et sont les descendants spirituels de Pepe SÁNCHEZ, Sindo GARAY, Manuel CORONA ou Alberto VILLALÓN.

 


César Portillo de la Luz et José Antonio Méndez.

César PORTILLO de la LUZ, José Antonio MÉNDEZ, Ángel DÍAZ, Ñico ROJAS, le compositeur Luis YÁÑEZ… animent ce groupe informel, que certains appellent à ce moment Los muchachos del Feeling, et dont font aussi partie Niño RIVERA, Rosendo RUÍZ QUEVEDO, l'ouvrière métallurgiste et compositeur Tania CASTELLANOS… Ils se réunissent chez Tirso DÍAZ ou chez les soeurs Martiatu. Le groupe, à partir du milieu des années quarante, va bouleverser la chanson cubaine en introduisant des procédés inspirés de la musique américaine et européenne, utilisant des accords dissonants tout en conservant l'esprit de la canción cubana et donner ainsi naissance au Mouvement du feeling ou filín .


Les muchachos del feeling se font connaître à travers une station de radio, liée au Parti Socialiste Populaire, la Mil Diez, laquelle va, pendant les années quarante et durant la décade suivante, recevoir sur ses plateaux le meilleur de la chanson populaire cubaine.
Toutefois tout au long des années cinquante cette génération de musiciens rencontre bien des difficultés pour s'imposer et d'une manière générale est boudée par les autres stations de radio. Quelques cabarets les accueillent: La Gruta, Le Sheherazada...


MÉNDEZ, TARRAZA, BERGAZA, PORTILLO de la LUZ... sont d'abord appréciés au Mexique avant que leurs compositions et leurs qualités d'interprètes ne s'imposent dans l'île à travers la voix de chanteurs continentaux. Si les pianistes finalement arrivent à percer sur les ondes, les véritables acteurs du Feeling, doivent attendre et se battre davantage et ce n'est que dans un second temps que les voix cubaines enregistrent les compositions du mouvement.
Frank EMILIO, Frank DOMÍNGUEZ, Miguel de GONZALO, Elena BURKE, Moraima SECADA, Omara PORTUONDO, l'équipe formée par Giraldo PILOTO et AlbertoVERA… commencent leur ascension au cours de cette décade.
Les groupes vocaux poursuivent leurs transformations. Dès 1947 le "TRIO TAICUBA" commence à interpréter les compositions de Ernesto LECUONA, PORTILLO de la LUZ puis celles des maîtres du Feeling. Le cuarteto "Las d'AIDA" constitue le groupe le plus avancé dans ce domaine des groupes vocaux harmoniques qui voit naître également " Los ARMÓNICOS ", " Los CAVALIERS ", " Los BUCANEROS "., "Los FAXAS".... .
"Los Cavaliers ". Photographie Archives Bohemia.
La Révolution marque le moment de la juste reconnaissance de l'importance et de la qualité du mouvement. Le cabaret El Gato Tuerto ouvre même un peu plus d'un an après le triomphe de celle-ci. Il est pratiquement conçu pour accueillir le Feeling par son propriétaire Felito Ayón. Le Club reste un des haut-lieux de la musique et de la culture cubaine jusqu'à sa fermeture au milieu des années quatre-vingt. L'essentiel des enregistrements du Feeling se fait dans les années soixante et permet ainsi que soient préservées des œuvres antérieures.
De nouveaux jeunes s'inscrivent dans ce mouvement. Pablo MILANES, avant de se gagner un public, conquiert les vétérans du Feeling. Ceux-ci se donnent rendez-vous au Lobby Bar du Saint John's pour l'écouter interpréter "Mis veintidos años" et quelques autres de ses textes. Marta VALDÉS se consacre à la composition avant d'interpréter ses propres thèmes.
Cette composition de 1965 va marquer le début d'une nouvelle période de la chanson cubaine. Si elle continue de s'appuyer sur des acquis du Feeling, elle rompt avec celui-ci dans sa recherche d'une plus grande cubanité et d'un retour à des rythmes autochtones, Son, guajira, ainsi que dans l'écriture des textes, moins romantiques.
Elena BURKE, Omara PORTUONDO... interprètent les canciones du nouveau venu.

Au cours de cette décennie des années soixante, Musique et Révolution font bon ménage. Le Feeling évolue tant dans ses textes que dans les procédés techniques utilisés par les compositeurs tels que Marta VALDÉS ou même les pionniers du mouvement, MÉNDEZ, PORTILLO, DOMÍNGUEZ… Certains textes vont quitter le terrain des sentiments amoureux pour adopter un contenu plus social et donner naissance à la canción protesta, la chanson engagée, antécédent direct du mouvement de la Nueva Trova.

© Patrick Dalmace

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La Canción pianistique.


Sonorama 6. >>>>

Musique et Révolution.
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La Nueva Trova.
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L'époque des Cuartetos harmoniques.
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